Solidarity: Possibles de sorties de la situations actuelle en RDC

POSSIBLES DE SORTIE DE LA SITUATION ACTUELLE EN RDC.

Ernest Wamba dia Wamba Bazunini

1. L’investigation politique des situations permet de faire ressortir les possibles de sortie de ces situations. Porter, sous forme des prescriptions, la pensée de ces possibles à la conscience des gens de partout, arme ceux-ci pour prescrire à l’Etat afin qu’il modifie les modalités de son fonctionnement. Ce qui transforme la capacité politique des gens en une puissance politique capable, effectivement, de faire sortir le pays de ces situations.

2. Dans quelle situation le pays se trouve-t-il aujourd’hui ? Il se trouve dans cette situation dans laquelle, malgré la mise en place, par des élections, des institutions de formalisme démocratique, le régime en place se montre incapable de résoudre les problèmes politiques majeurs qu’il confronte.

3. La tendance à la croissante paupérisation des larges masses de la population—qui s’aggravera avec la famine qui s’approche—continue. L’affaire Bemba reste toujours sans solution politique satisfaisante : ou bien il reste en exil ou bien il vient faire face à la menace de mort. La guerre à l’Est du pays, malgré les efforts déployés autour de la conférence de Goma, se poursuit. Le recours à la répression disproportionnée « pour restaurer l’autorité de l’Etat », au Kongo Central, n’a pas apporté une résolution politique réelle de la crise de légitimité. L’ « affaire BDK » n’a pas encore eu d’issue pouvant restaurer la confiance des gens au Kongo Central dans les institutions et les dirigeants. Les nominations de hauts magistrats, en anticipation ‘illégale’ sur les dispositions constitutionnelles en la matière, n’ont pas arrêté l’impunité. Les décisions, formellement prises par le gouvernement—comme par exemple, l’accord de Mbudi—ont beaucoup de difficultés d’être appliquées. La préparation des élections municipales, urbaines et locales ne démarre toujours pas.

4. Malgré la révisitation des contrats irréguliers, le bradage de l’économie et le pillage des ressources naturelles font toujours bon chemin. Les accidents des transports se multiplient. La propagande autour des « cinq chantiers » n’arrive pas à couvrir ces insuffisances. Les cris d’alarme et les appels pressants venant de la population restent sans réponse satisfaisante. Malgré quelques clairières de réveil, la majorité mécanique, au Parlement, continue de bloquer le fonctionnement utile des institutions. Face à cette situation de carence du gouvernement, aucune motion de défiance n’a été adoptée à ce jour.

5. L’enthousiasme populaire a disparu ; le peuple perd de plus en plus sa confiance dans les institutions et les dirigeants. La distribution des faveurs occasionnelles ne trompe plus. La crise de légitimité qui s’approfondit force le gouvernement, de plus en plus, de recourir au raccourci : la répression. Le « déficit de communication » dont souffre le gouvernement se confond au silence irresponsable.

6. L’ « affaire BDK » a révélé au public les modalités actuelles de fonctionnement de l’Etat. Elle est d’ailleurs le résultat de la politique du gouvernement, face à une grave crise de légitimité politique et la perte de la confiance des gens dans le gouvernement, d’utiliser la répression, la violence excessive et les massacres pour s’imposer sur la population aux fins d’obtenir son « assentiment d’allégeance ». Ce raccourci politique est une suspension de fonctionnement normal des institutions démocratiques. A ce titre, c’est une forme de coup d’Etat. La violation délibérée des dispositions constitutionnelles par le gouvernement, comme l’inclusion des militaires au gouvernement ou l’organisation des juridictions exceptionnelles, relève de la logique de coup d’Etat. D’ailleurs, le gouvernement a refusé, par exemple, d’appliquer les recommandations de l’Assemblée Nationale visant à restaurer pacifiquement la confiance des gens dans les institutions, au Kongo Central, après les massacres de 2007.

7. Le pillage des ressources (prenant diverses formes dont: les contrats léonins et irréguliers, les fraudes fiscales et autres, les détournements des fonds à tous les niveaux) est devenu le mécanisme de l’organisation de l’économie du pays. Les discours sur la bonne gouvernance ou la lutte contre la corruption n’entament pas la corruption croissante. Les serviteurs de l’Etat ou ceux de la population congolaise, pour ne pas tomber dans la corruption, devraient être soustraits des intérêts individuels ou de groupes. Chez-nous les dirigeants de l’Etat sont mêlés dans des intérêts affairistes. Les agents locaux de l’Etat (militaires, policiers, agents des services de sécurité, agents de la justice, agents de la santé, etc.), dont les salaires ne sont pas payés régulièrement, se font payer leurs « moyens de vie » par harcèlement de la population et tracasseries administratives, sur le dos de la population. Ce qui insécurise celle-ci et lui fait voir que l’Etat est son ennemi numéro un.

8. La large décentralisation, autorisée par la Constitution et que le gouvernement refuse de déboucher au fédéralisme pour que le gouvernement central ne perde pas le contrôle sur les, et les ressources des, provinces, est contournée par plusieurs manoeuvres dilatoires. Ce qui entraîne jusqu’au refus du droit démocratique d’autonomie, y compris l’affirmation de son identité culturelle et de son histoire. Le BDK est accusé, entre autres, d’avoir voulu exercer ce droit sur la base duquel il a exprimé à haute voix les revendications légitimes que les gens du Kongo Central murmuraient. Dans un pays multinational ou multiethnique, est-il interdit de revendiquer son autonomie culturelle et de recourir aux valeurs traditionnelles—surtout lorsqu’on se sent dominé, marginalisé ou même relativement exclu de certaines instances de pouvoir ou insuffisamment représenté ? Sous prétexte des cas (moins de 4) de présomption de crime par certains makesa de BDK, les paroisses-maziku de BDK devaient être détruits et avec préméditation, les membres—pour la plupart innocents—étaient massacrés et, souvent précipitamment enterrés dans des fosses communes ou jetés dans le fleuve. Où s’arrête la liberté des cultes si les gens doivent être massacrés à cause des croyances que l’Etat décrète être des péchés mortels ? L’Etat, ou ce qui en reste, n’arrive pas à résoudre la question nationale, c’est-à-dire la forme concrète que doit avoir l’existence sociale globale pour que les différentes communautés nationales ou ethniques puissent vivre ensemble en convivialité. Surtout quand ce qui reste de l’Etat est surtout utilisé par des groupes clientèles, oligarchiques ou régionalistes ? N’entend-on pas dire : « c’est notre tour » ?

9. Qui s’intéressent à la sortie de la situation actuelle ? Qui sont les ressources disponibles du pays pour une nouvelle mesure ? Les victimes militaires et policières des détournements récurrents par leurs états majors ; les makesa de BDK forcés de rester en forêts ; les femmes violées ayant perdu la dignité humaine de mère ; les déplacés récurrents de guerre à l’Est du pays ; les croyants des églises dont les dirigeants baignent dans l’enrichissement sans cause et ceux dont les dirigeants sont gardés en prison sans avoir été prouvés coupables ; les enseignants clochardisés ; les gens de la rue ; la citoyenneté active ; la masse des chômeurs irréductibles ; les intellectuels engagés ; les victimes d’accidents récurrents de transport ; les victimes de l’impunité ; les universitaires lucides ; la jeunesse scolarisée ; les paysans pauvres ; les locataires sans défense ; les clients malheureux de la SNEL ; les jeunes diplômés à la recherche infinie d’emploi ; les ouvriers et les manœuvres sous insultes quotidiennes, les bangunza dont les souffrances et les efforts de leurs ascendants dans la lutte pour la libération du pays, restent non reconnus et sans compensation. etc.

10. Ces nombreuses ressources ont ceci de spécifique qu’elles se manifestent contre l’Etat. Les victimes militaires et policières ont pour cible les réformes d’Etat visant la création d’une vraie armée ou police avec un esprit de corps avéré et un code militaire respecté. Les makesa de BDK ont pour cible la police d’Etat et le gouvernorat arrivé au pouvoir par vote extorqué et menaces. Les femmes violées ont pour cible l’Etat qui n’arrive pas à en finir avec la guerre ainsi que les modalités sexistes de son fonctionnement. Les gens de la rue ont pour cible la police d’Etat. Les paysans pauvres ont pour cible, les agents locaux de l’Etat ; les partenaires extérieurs qui ne veulent pas tout perdre par une possibilité de pillage incontrôlable par exemple ont pour cible les alliés sûrs, etc. Tous ou presque ont pour cible la construction d’un Etat digne. On ne peut dire qu’il ne se passe rien ; le problème est que ces ressources sont disjointes, sauf quelquefois jointes localement. Les moments des massacres, par exemple. L’Etat discriminatoire semble couver la violence populaire, par son refus d’entendre les cris et de voir les choses en face, aveuglé qu’il est par le recours facile aux armes.

11. Avant que la violence populaire n’arrive, ne peut-on rien faire ? Ne faut-il pas, enfin, reconnaître qu’on est en situation réellement catastrophique ? De revenir à la raison avant qu’on soit emporté par un ouragan incontrôlable ? A quoi, alors serviront les conventions et la majorité mécanique de l’AMP ? Ne faut-il pas trouver des moyens extraordinaires pour traverser la rivière agitée plutôt que d’y couler ? C’est l’innovation seule qui peut sauver la situation. Il faut une direction politique, avec vision et soustraite des intérêts individuels et de groupes (partidaires, affairistes clientelistes, maffieux ou régionalistes, par exemples), capable de sortir le pays de la catastrophe où il est plongé. N’y a-t-il pas dans le pays des gens indépendants prédestinés à réussir un tel exploit ? Pourquoi donc va-t-on tout droit vers un suicide national ? Doit-on continuer de payer un si grand prix à soutenir une direction sans vision et composée de si tant de bois morts ? On ne peut construire la démocratie sur un terrain de ruines. Il faut se transcender.

Ernest Wamba dia Wamba Bazunini

Nkiutomba, le 3 mai 2008.